Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/387

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« Toi qui murmures sans cesse, » dit Morton dans l’enthousiasme de sa rêverie, « pourquoi t’irriter ainsi contre les rochers qui pour un moment interrompent ton cours ? la mer te recevra, de même que l’homme qui a fini son court et pénible voyage à travers la vallée des temps est reçu dans l’éternité. Ta faible colère est aux grandes et affreuses tempêtes d’un océan sans bornes, ce que sont nos soins, nos espérances, nos craintes, nos joies et nos chagrins, lorsqu’on les compare aux objets qui doivent nous occuper pendant la suite solennelle et non interrompue des siècles. »

Tout en moralisant ainsi, notre voyageur s’avançait dans la vallée, qui bientôt s’élargit devant lui ; et il vit le ruisseau, moins encaissé, couler entre deux rives couvertes d’un épais gazon, sur l’une desquelles étaient un petit champ de blé et une chaumière dont les murs n’avaient pas plus de cinq pieds de haut. Le chaume qui la couvrait, vert de joubarbe et de différentes herbes qu’y avaient fait pousser le temps et l’humidité, se ressentait en plusieurs endroits de l’usurpation de deux vaches que cette apparence de verdure avait détournées d’un pâturage plus légitime. Une inscription mal orthographiée et plus mal écrite annonçait au voyageur qu’il y trouverait bon logis, à pied et à cheval ; invitation qui n’était pas à dédaigner, malgré la chétive apparence du cabaret, quand on avait, comme Morton, parcouru la mauvaise route qui y conduisait, et quand on jetait les yeux sur les hautes et stériles montagnes qui s’élevaient avec une tristesse majestueuse au-delà de cet humble asile.

« Ce n’est que dans un endroit comme celui-ci, pensa Morton, que Burley a pu trouver une digne confidente. »

En approchant il vit la maîtresse de la maison assise à la porte ; un grand buisson de sureau l’avait jusqu’alors dérobée à ses regards.

« Bonsoir, la mère, lui dit-il ; ne vous nommez-vous pas mistress Maclure ? — Élisabeth Maclure, monsieur ; une pauvre veuve. — Pouvez-vous recevoir un étranger pour une nuit ? — Oui, monsieur, s’il veut bien se contenter du pain et du vin de la veuve. — J’ai été soldat, ma bonne femme, et je ne suis pas difficile. — Soldat ! s’écria la vieille ; Dieu vous donne un autre métier ! — C’est une profession honorable, à ce qu’il me semble : j’espère que vous ne m’en croirez pas moins honnête pour l’avoir exercée. — Je ne juge personne, monsieur ; et le son de votre