Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/379

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que Morton de Milnwood était connu dans tout le pays. — J’étais confiné dans une province éloignée, répondit Morton ; et au bout de ce temps il eût été bien difficile à des personnes qui n’ont pas pour moi le même attachement que vous, Ailie, de reconnaître le petit Morton dans le major-général Melville. — Melville ! c’était le nom de votre mère ; mais Morton sonne bien mieux à mes oreilles. En reprenant vos domaines, il faudra reprendre aussi le vieux nom de la famille. — Je ne veux faire ni l’un ni l’autre de sitôt, Ailie ; car j’ai des raisons pour cacher en ce moment à toute autre personne qu’à vous que je suis encore vivant. Quant aux domaines de Milnwood, ils sont en aussi bonnes mains… — En aussi bonnes mains, mon enfant ! répéta Ailie ; j’espère que vous ne voulez pas parler des miennes. C’est un fardeau pour moi que les rentes et les terres. Je suis trop vieille pour prendre un aide, bien que Wylie Mactriket, l’écrivain, ait fait l’empressé et me parle fort civilement, mais j’ai fait la sourde oreille à tous ses beaux discours : on ne m’en conte plus aujourd’hui ; à d’autres ! Et puis, j’ai toujours pensé que je vous reverrais, que j’aurais encore mon plat de salé et ma soupe au lait, enfin que je dirigerais la maison comme du temps de votre pauvre oncle ; et puis quel plaisir pour moi de vous voir faire bon usage de votre argent… vous avez sans doute appris cela en Hollande, car on est économe dans ce pays-là, à ce que j’ai entendu dire… Pourtant il faudra tenir meilleure maison que le pauvre défunt ; et, par exemple, je vous conseillerai de manger de la viande de boucherie trois fois par semaine… cela chasse les vents de l’estomac. — Nous parlerons de cela un autre jour, » dit Morton étonné d’une munificence si contraire au caractère d’Ailie, non moins que du singulier contraste qu’offraient son désintéressement et sa manie d’épargner. « Vous saurez, ajouta-t-il, que je ne suis venu passer que quelques jours dans ce pays pour une affaire importante dont m’a chargé le gouvernement : ainsi donc, Ailie, pas un mot de ma visite. Plus tard je vous ferai connaître mes motifs et mes projets. — Ne craignez rien, mon enfant, répliqua Ailie ; je sais garder un secret tout comme mes voisins ; et le vieux Milnwood le savait bien, car il m’a dit où il cachait son argent, et c’est ce que chacun garde pour soi autant que possible. Mais venez avec moi, mon enfant, que je vous montre comme le salon boisé en chêne est bien tenu ! c’est tout comme si on vous eût attendu d’un jour à l’autre… Personne, excepté moi, n’y mettait la main,