Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/371

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et s’élança dans la rivière, où il se trouva bientôt à la nage. Jusque là tous les mouvements de Morton avaient été purement mécaniques ; mais la sensation de froid que lui fit éprouver l’eau lorsque son cheval, perdant pied, l’y plongea jusqu’à la ceinture, le rappelèrent à lui ; et il s’occupa des moyens de se sauver lui-même et le noble animal qui le portait. Habile dans tous les exercices du corps, il savait tout aussi bien conduire un cheval dans l’eau que sur le gazon : il lui fit suivre le courant pendant quelques instants, et le dirigea vers un endroit où le bord, n’étant pas escarpé, lui permettait de sortir aisément de la rivière. Mais ce terrain était peu solide, et aux deux premières tentatives qu’il fit pour s’élancer hors de l’eau, peu s’en fallut que le cheval ne s’abattît sur son cavalier. Le sentiment de la conservation personnelle ne manque jamais de donner à l’esprit toute son activité, à moins qu’il ne soit paralysé par la terreur : aussi Morton, grâce au danger où il se trouvait, reprit-il le complet usage de ses facultés. Une troisième tentative, sur un endroit de la rive plus judicieusement choisi, réussit mieux que les deux précédentes, et il se trouva en sûreté sur la rive gauche de la Clyde.

« Où dirigerai-je mes pas ? » se dit Morton dans l’amertume de son cœur ; » eh ! qu’importe sur quel point de l’espace s’agite une créature si misérable et si désespérée ? Je souhaiterais, si un pareil souhait n’était un crime, que ces eaux profondes m’eussent englouti, et qu’elles eussent enseveli avec moi le souvenir du passé et le sentiment du présent. »

Ce mouvement de désespoir, né du désordre de son cœur, s’était à peine traduit en ces expressions chagrines, qu’il eut honte de s’y être abandonné. Il se rappela par quelle protection signalée du ciel, sa vie, dont il faisait si peu de cas dans l’excès de sa douleur, avait été sauvée des plus imminents périls, depuis le commencement de sa carrière politique.

« Je suis fou, dit-il, plus que fou de mépriser ainsi une existence que le ciel a conservée si souvent d’une si merveilleuse manière. Quelque chose me reste encore à faire en ce monde, supporter mes peines en homme de cœur, et aider ceux qui ont besoin de mon assistance. Qu’ai-je vu ? qu’ai-je entendu ? en définitive, ce que je devais prévoir, Ils… (le courage lui manqua pour prononcer, même dans son état d’isolement, les noms de ceux qui occupaient sa pensée), ils sont entourés d’embarras et de dangers. Elle est dépouillée de sa fortune ; il paraît sur le point de s’en-