Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/369

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à son adresse, et Morton, ignorant cette circonstance, devait croire qu’il avait été oublié, conformément à sa demande trop désintéressée. Depuis son retour en Écosse, tout ce qu’il apprit de leurs amis communs le prépara à ne plus considérer miss Édith que comme la fiancée de lord Evandale. Quand même il n’eût pas été attaché à ce dernier par les liens de la reconnaissance, il n’en eût pas moins répugné à la générosité naturelle de Morton de troubler leur union en faisant revivre des prétentions que l’absence avait pour ainsi dire frappées de prescription, qui n’avaient jamais été sanctionnées par le consentement des familles, et au succès desquelles s’opposaient mille difficultés. Pourquoi donc vint-il visiter la demeure que lady Marguerite et sa petite-fille, dans leurs revers, avaient choisie pour retraite ? Il céda, nous sommes bien forcé de l’avouer, à l’impulsion d’un désir inconséquent, que beaucoup d’autres à sa place auraient ressenti comme lui.

Pendant qu’il voyageait dans le canton où il était né, il apprit par hasard que les dames, auprès de la maison desquelles il devait nécessairement passer, étaient absentes ; et sachant d’un autre côté que Cuddie et sa femme étaient leurs principaux domestiques, il ne put s’empêcher de s’arrêter chez eux, afin d’apprendre, s’il était possible, quels progrès lord Evandale avait faits dans l’affection de miss Bellenden, qu’il ne pouvait plus nommer son Édith. On a vu quelles furent les suites de cette démarche imprudente. Morton partit de Fairy-Knowe, convaincu qu’Édith l’aimait toujours, mais que le devoir et l’honneur l’obligeaient à renoncer à elle pour toujours. Comment exprimer ce qu’il ressentit en entendant sa conversation avec lord Evandale, dont la plus grande partie parvint bien malgré lui à ses oreilles ? Mille fois il fut tenté de se précipiter dans le salon où ils étaient, et de s’écrier : « Édith, je vis encore ! » mais le souvenir de la parole qu’elle avait donnée à lord Evandale, et de la reconnaissance qu’elle lui devait ; la pensée qu’il n’avait lui-même échappé à la torture et à la mort que par l’intercession de lord Evandale auprès de Claverhouse : tous ces motifs l’empêchèrent de commettre une imprudence qui les aurait plongés dans de plus grands malheurs, sans lui rendre le bonheur à lui-même.

« Non, Édith, jura-t-il en lui-même ; non jamais je ne troublerai ta sécurité. Que la volonté du ciel s’accomplisse ; mais je ne pourrai jamais me résoudre à augmenter tes peines en te révélant les miennes. J’étais mort pour toi quand ta promesse fut don-