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Il resta donc en qualité d’hôte dans la famille. La présence de sa sœur et de lady Marguerite Bellenden, qui, quoique atteinte de la goutte, avait voulu qu’on la transportât à Fairy-Knowe aussitôt qu’elle avait su la maladie de sa petite-fille, rendait le séjour de lord Evandale aussi naturel que convenable. Ainsi il attendait avec inquiétude qu’Édith pût, sans danger pour sa santé, avoir avec lui une dernière explication avant son départ.

« Elle ne doit pas craindre, » dit ce malheureux jeune homme, « que j’abuse de son engagement envers moi pour l’obliger à conclure un mariage dont l’idée seule paraît porter le désordre dans son esprit. »






CHAPITRE XXXIX.

le vieux manoir.


Ah ! heureuses collines ! ombrages délicieux ! campagnes chéries en vain, où s’écoula mon enfance sans connaître le chagrin !
Gray, Ode sur une vue du collège d’Eton.


Ce ne sont pas seulement les besoins corporels et les infirmités qui placent, en cette vie, les hommes de l’esprit le plus élevé au niveau des autres mortels : il y a des moments d’agitation intellectuelle où l’homme le plus ferme ne diffère en rien du plus faible d’entre ses semblables ; et quand il paie ainsi tribut à l’humanité, sa souffrance s’aigrit encore par le sentiment qu’en s’abandonnant à son chagrin il transgresse, les lois, de la religion et de la philosophie, qui devraient être les guides ordinaires de sa conduite.

C’était dans un de ces moments de crise que le malheureux Morton avait quitté Fairy-Knowe. Voir, cette Édith, depuis, si longtemps aimée, et encore si tendrement, chérie ; dont l’image avait rempli son cœur durant tant d’années, la voir sur le point d’épouser un ancien rival, qui s’était acquis par ses services tant de droits sur le cœur de celle qu’il ne pouvait oublier, c’était un coup bien cruel, mais auquel pourtant Morton devait être préparé.

Pendant son séjour en pays étranger, il avait une fois écrit à miss Édith : c’était pour lui dire un éternel adieu, et la conjurer de ne plus penser à lui. Il l’avait priée de ne point répondre à sa lettre ; mais pendant long-temps il avait espéré qu’elle ne tiendrait pas compte de sa prière. Cette lettre n’était jamais parvenue