Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/361

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« Je dois avouer, dit-elle, que j’ai quelque peine, miss Bellenden, à comprendre votre conduite. Il y a plusieurs mois que vous avez promis d’épouser mon frère, et vous différez toujours d’accomplir votre promesse, comme si vous vouliez vous soustraire à une union déshonorante, ou du moins fort désagréable. Je crois pouvoir répondre pour mon frère Evandale qu’il ne voudra jamais obtenir la main d’une femme contre sa volonté ; et, quoique je sois sa sœur, je puis dire aussi, et avec assurance, qu’il ne saurait se voir dans la nécessité de faire violence à l’inclination d’aucune personne de notre sexe. Vous me pardonnerez, miss Bellenden, mais votre affliction présente est d’un fâcheux augure pour le bonheur futur de mon frère ; je dois ajouter qu’il ne mérite pas ces expressions de répugnance et de douleur, et que c’est là une étrange récompense de l’attachement qu’il vous a montré depuis si long-temps et de tant de manières. — Vous avez raison, lady Émilie, » répondit Édith en essuyant ses yeux, et en s’efforçant de reprendre sa tranquillité habituelle : mais le tremblement de sa voix et la pâleur de son visage trahissaient son émotion intérieure. « Vous avez raison… lord Evandale ne mérite d’être ainsi traité par personne, encore moins par celle qu’il a honorée de ses attentions. Et si, tout à l’heure, je me suis laissée entraîner à l’irrésistible et soudaine impétuosité de mes sentiments, ma consolation, lady Émilie, c’est que votre frère en connaît la cause, que je ne lui ai rien caché, et que, malgré cela, il ne craint pas de trouver dans Édith Bellenden une femme indigne de son affection. Mais je n’en mérite pas moins vos reproches, pour m’être un moment abandonnée à des regrets inutiles, à des souvenirs affligeants. C’en est donc fait, mon sort est d’être unie à lord Evandale ; c’est avec lui que je passerai ma vie. Rien à l’avenir ne pourra l’affliger ou mécontenter les personnes dé sa famille. Je chasserai de ma mémoire les vaines illusions qui me rappellent des temps qui ne sont plus, afin de me livrer sans distraction à l’accomplissement de mes devoirs. »

En parlant ainsi, elle leva doucement les yeux, qu’elle avait jusque là tenus cachés avec sa main, vers la fenêtre de l’appartement, qui était à demi ouverte, et, poussant un grand cri, elle s’évanouit. Lady Émilie jeta les yeux dans la même direction, mais elle ne vit que l’ombre d’un homme qui semblait s’éloigner de la fenêtre. Plus effrayée de l’état d’Édith que de cette apparition, elle appela du secours à grands cris. Son frère ne tarda pas