Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/352

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Cuddie ? Écoutez-moi, mon ami ; personne, excepté nous, ne sait que M. Morton est encore vivant ; je juge, au soin qu’il prend de se déguiser, qu’il se propose, s’il trouvait Édith mariée, ou sur le point de l’être, de se retirer sans rien dire, afin de ne point l’affliger ; mais si miss Édith le savait en vie, fût-elle devant le ministre avec lord Evandale quand on viendrait le lui apprendre, je suis sûre qu’elle dirait non quand il faudrait dire oui. — Eh bien ! répliqua Cuddie, que m’importe tout cela ? Si miss Édith aime plus son amant d’autrefois que son amant d’aujourd’hui, pourquoi ne serait-elle pas libre de changer, comme les autres femmes ? Par exemple, Jenny, vous savez bien que vous aviez promis à Tom Holliday de l’épouser : il le dit partout. — Tom Holliday est un menteur, et vous n’êtes qu’un imbécile de l’écouter, Cuddie… Quant au choix de miss Édith… Ah, mon Dieu !… vous pouvez être sûr que tout l’or de M. Morton est dans la broderie de son habit : comment pourrait-il soutenir lady Marguerite et la jeune miss ? — N’y a-t-il pas Milnwood ? dit Cuddie. Le vieux laird, sans aucun doute, l’a laissé à sa gouvernante, sa vie durant, parce qu’il n’entendait plus parler de son neveu. Mais il n’y a qu’à dire un mot à la vieille femme, et ils vivront tous ensemble à leur aise avec lady Marguerite. — Bah, bah ! répliqua Jenny, comment pouvez-vous penser que des dames de leur rang voudraient partager la maison de la vieille Ailie Wilson, quand elles sont trop fières pour accepter les bienfaits de lord Evandale lui-même ? Non, non. Il faudra qu’elles suivent M. Morton à l’armée, si miss Édith l’épouse. — Cela conviendrait bien mal à la vieille lady, à coup sûr, répondit Cuddie ; elle pourrait à peine voyager une journée avec les bagages. — Et puis, que de disputes sur les whigs et les torys ! continua Jenny. — Il est certain, reprit Cuddie, que la vieille dame n’est pas endurante sur ces points. — Et puis, Cuddie, » continua sa femme qui avait réservé pour la fin son plus fort argument, « si le mariage avec lord Evandale est rompu, que devient notre petite métairie, et le potager, et l’enclos pour la vache ? Je vois que, nous et nos pauvres enfants, il nous faudra chercher notre pain à travers le monde. »

Ici Jenny se mit à pleurer. Cuddie s’agitait plein d’irrésolution. Enfin il rompit le silence : « Eh bien ! femme, dit-il, au lieu de nous étourdir de tout cela, ne pourriez-vous pas nous dire ce que nous devons faire ? — Absolument rien, dit Jenny. Ne dites