Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/338

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Morton regardait Graham d’un air étonné et confus ; il ne s’était pas attendu que sa sentence de bannissement recevrait une si brusque exécution.

« Et mon domestique ? demanda-t-il. — On en prendra soin, et, s’il est possible, on le replacera au service de lady Marguerite Bellenden. Je ne crois pas qu’à l’avenir il s’avise jamais de manquer à une revue ; et il n’ira plus, j’en suis certain, combattre avec les whigs… Nous voici sur le quai, et le bateau vous attend. »

En effet un bateau attendait Morton, chargé de malles et d’un bagage convenable à son rang. Claverhouse, lui serrant la main, lui souhaita un bon voyage et un heureux retour en Écosse dans des temps plus tranquilles.

« Je n’oublierai jamais, lui dit-il, votre généreuse conduite envers mon ami lord Evandale, dans des circonstances où bien des gens ne se seraient fait aucun scrupule de se débarrasser d’un homme qui était un obstacle à l’accomplissement de leurs vœux. »

Ils se donnèrent encore une poignée de main affectueuse, et se séparèrent. Comme Morton descendait sur la jetée pour entrer dans le bateau, il sentit qu’on lui glissait dans la main une lettre, pliée de manière à occuper le moins de place possible. Il se retourna sur-le-champ. La personne qui la lui avait remise était enveloppée dans son manteau, de telle sorte qu’il ne put voir son visage ; elle appuya un doigt sur sa bouche, et disparut dans la foule. Cet incident éveilla la curiosité de Morton. Lorsqu’il se trouva à bord d’un vaisseau faisant voile pour Rotterdam, et qu’il vit tous ses compagnons de voyage occupés de faire chacun ses arrangements, l’occasion lui parut favorable pour ouvrir le billet mystérieux : il était ainsi conçu :

« Le courage que tu as déployé le jour fatal où Israël a fui devant ses ennemis a jusqu’à un certain point expié ton attachement aux erreurs de l’érastianisme : ce n’est pas le temps de faire combattre Éphraïm contre Israël. Je sais que ton cœur est avec la fille de l’étranger ; mais renonce à cette folie ; car dans l’exil, dans la fuite, jusqu’à la mort même, ma main pèsera sur cette maison sanguinaire et réprouvée, et la Providence m’a donné les moyens de venger sur elle les brigandages et la confiscation dont elle s’est rendue coupable. La résistance qu’a faite leur château a été la principale cause de notre défaite à Bothwell-Bridge, et j’ai juré dans mon cœur de leur en demander compte. Ne pense donc