Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/327

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nier un petit appartement, en lui disant qu’il l’y laissait sur parole jusqu’à nouvel ordre.

Après un quart d’heure environ, consacré à des réflexions solitaires sur les étranges vicissitudes de son sort, Morton fut attiré à la fenêtre par un grand bruit qui se faisait dans la rue. Les trompettes, les tambours, les timbales, qui se mêlaient aux acclamations d’une foule innombrable, lui apprirent que la cavalerie royale faisait son entrée triomphale.

Les magistrats, accompagnés de leur garde de hallebardiers, avaient été recevoir les vainqueurs aux portes de la ville pour les féliciter ; ils marchaient à la tête du cortège. Derrière eux on portait sur des piques les têtes de deux rebelles, et devant chacune de ces têtes sanglantes les mains mutilées de ces malheureuses victimes, que, par un raffinement odieux de plaisanterie, ceux qui les tenaient rapprochaient de temps en temps l’une de l’autre dans l’attitude de la prédication ou de la prière. Ces trophées sanglants avaient appartenu à deux prédicateurs qui furent tués à Bothwell-Bridge. Venait ensuite une charrette conduite par le valet de l’exécuteur des hautes œuvres, sur laquelle étaient placés Macbriar et deux autres prisonniers qui paraissaient être de la même profession : ils étaient tête nue, et bien attachés ; mais ils n’en portaient pas moins autour d’eux des regards plutôt triomphants que consternés, et ils ne semblaient ni émus par le destin de leurs compagnons dont on portait devant eux les membres sanglants, ni troublés par la crainte de leur exécution prochaine, que tous ces préliminaires annonçaient clairement.

Derrière ces prisonniers, ainsi exposés aux outrages et aux railleries de la populace, venait un corps de cavaliers brandissant leurs sabres, et faisant retentir la rue d’acclamations auxquelles répondait par des cris et des vociférations atroces cette même populace, qui, dans les grandes villes, n’est jamais si heureuse que quand on lui permet de se livrer à de bruyantes clameurs, quel qu’en soit le motif. Derrière cette troupe venaient les principaux d’entre les prisonniers, ayant à leur tête quelques-uns de leurs chefs, et exposés à tous les outrages et à toutes les insultes imaginables. Quelques-uns étaient placés sur leurs chevaux, la tête tournée vers la queue ; d’autres étaient attachés à de longues barres de fer qu’ils étaient obligés de porter dans leurs mains, comme les galériens espagnols qui se rendent au port où ils doivent être embarqués. Les têtes de ceux qui avaient été tués étaient