Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/323

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en vous des qualités que je respecte dans un ennemi autant que je les aime dans un ami. J’ai appris à vous apprécier depuis notre première rencontre, et vous voyez, j’espère, que le résultat de mes informations ne vous a pas été défavorable. — Mais cependant… dit Morton. — Mais cependant, » reprit Graham en continuant sa phrase, « vous voulez dire que vous êtes le même aujourd’hui que vous étiez alors. C’est vrai ; mais comment pouvais-je le savoir ? Au surplus, la répugnance que je montrais à suspendre votre exécution doit vous prouver la haute opinion que j’avais de vos talents. — Pensez-vous, général, répliqua Morton, que je vous doive beaucoup de reconnaissance pour une telle marque d’estime ? — Allons, allons ! vous êtes trop pointilleux, répliqua Claverhouse. Je vous dis que je vous croyais tout autre que vous êtes. Avez-vous jamais lu Froissart ? »

Morton répondit négativement.

« J’ai presque envie, reprit Claverhouse, de vous faire mettre six mois en prison, afin de vous procurer ce plaisir. Ce livre m’inspire plus d’enthousiasme que la poésie même. Avec quels sentiments chevaleresques ce noble chanoine réserve ses belles expressions de douleur pour la mort du vaillant et noble chevalier dont le trépas est une perte irréparable, tant il était dévoué à son roi, pur dans sa foi religieuse, hardi contre l’ennemi, fidèle à sa dame ! Comme il déplore la perte de cette perle de chevalerie, quel que soit le parti auquel elle a appartenu. Mais qu’on fasse disparaître de la surface de la terre quelques centaines de ces paysans grossiers, nés pour la labourer, le noble et judicieux historien s’en soucie fort peu… aussi peu et moins encore peut-être que John Graham de Claverhouse. — Vous avez en votre pouvoir, général, répondit Morton, un paysan en faveur duquel, malgré votre mépris pour une profession que certains philosophes ont considérée comme aussi utile que celle de soldat, je prendrai la liberté de solliciter votre protection. — Vous voulez dire, » répliqua Claverhouse en parcourant son mémorandum, un certain Hatérich… Edderich, ou… ou Headrigg ?… oui, Cuthbert ou Cuddie Headrigg, voilà bien son nom… Oh ! ne craignez rien pour lui, s’il veut être raisonnable. Les dames de Tillietudlem m’ont parlé en sa faveur, il y a déjà long-temps ; il doit épouser leur femme de chambre, à ce que je crois. On lui rendra la liberté sans lui faire de mal, à moins que par opiniâtreté il ne refuse cette bonne fortune. — Je ne pense pas qu’il ait l’ambition