Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/314

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branlable fermeté de ses principes d’honneur, la conscience de son innocence, lui donnèrent la force de passer cet intervalle terrible avec moins d’agitation qu’il ne s’y serait attendu si cette situation affreuse lui eut été prédite. Cependant il n’était pas soutenu par ce sentiment qui inspire tant de résolution et d’intrépidité, le sentiment de ses droits légitimes et naturels, qui lui avait été d’un si puissant secours lorsqu’il se trouvait au pouvoir de Claverhouse. Alors il savait que, parmi les spectateurs, il en était beaucoup qui plaignaient son sort, et quelques-uns qui approuvaient sa conduite. Mais maintenant, à la merci de ces sombres fanatiques prêts à contempler son exécution non-seulement avec indifférence, mais avec triomphe ; sans un ami pour lui adresser un mot de sympathie ou d’encouragement ; attendant que l’épée destinée à le frapper sortît lentement du fourreau ; condamné à boire goutte à goutte la coupe amère de la mort, il n’est pas étonnant qu’il fût moins calme que dans un danger précédent. Ceux qui dans un moment allaient se constituer ses bourreaux lui apparaissaient comme des spectres, tels qu’en croit voir un homme dans le délire de la fièvre ; leurs figures devenaient plus grandes, leurs physionomies plus affreuses ; et comme son imagination troublée effaçait à ses yeux la réalité des objets, il se croyait entouré plutôt par une bande de démons que par des êtres humains. Il lui semblait que le sang dégouttait des murs, et le léger bruit de l’horloge produisait sur son oreille une impression aussi distincte et aussi pénible que si chacun de ses mouvements eût été un coup de poignard.

Ce fut avec douleur qu’il sentit son esprit chanceler sur les limites de l’autre monde ; il fit un violent effort pour se recueillir et se livrer à des méditations religieuses ; mais incapable, durant cette terrible lutte de la nature, d’exprimer ses propres sentiments avec des paroles convenables, il eut recours, comme à son insu, à une prière pour demander sa délivrance et la résignation : cette prière se trouve dans le rituel de l’Église anglicane. Macbriar, dont la famille appartenait à cette secte, reconnut les paroles que l’infortuné prisonnier prononçait à demi-voix.

« Il ne manquait plus que cela, » dit-il, (et la colère anima son visage naturellement pâle) « pour étouffer toute répugnance à répandre son sang. C’est un prélatiste qui s’est glissé dans le camp, déguisé en érastien ; tout ce qu’on a dit de lui, et plus encore, doit être vrai. Que son sang retombe sur sa tête, l’impos-