Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/310

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À la sombre lueur du foyer qui se reflétait sur leurs visages, Morton reconnut plusieurs de ces fanatiques qui s’étaient le plus distingués par leur opposition intempestive à toutes les mesures modérées, et avec eux leurs chefs avoués, le fougueux Éphraïm Macbriar et l’insensé Habakkuk Mucklewrath. Les caméroniens n’adressèrent ni un geste ni une parole de bienvenue à leurs frères d’infortune ; ils continuèrent d’écouter la prière que Macbriar récitait à voix basse pour que le Tout-Puissant levât les mains sur son peuple et qu’il ne l’anéantît pas au jour de la colère. Ils ne paraissaient s’apercevoir qu’ils étaient instruits de la présence de leurs hôtes que par les regards d’indignation qu’ils leur lançaient.

Morton, voyant qu’il s’était introduit dans une société fort mal disposée pour lui, songea à la retraite. Mais, en tournant la tête, il s’aperçut non sans alarme que deux hommes vigoureux se tenaient en silence à côté de la fenêtre par laquelle il était entré. Une de ces sentinelles de mauvais augure dit tout bas à Cuddie : « Fils de la sainte femme Mause Headrigg, ne cause pas ta ruine en restant plus long-temps avec ce fils de la trahison et de la perfidie… Continue ta route, car le vengeur du sang est derrière toi. »

En même temps il lui montra la fenêtre, par laquelle Cuddie sauta sans hésitation : car l’avis qu’il venait de recevoir signifiait clairement qu’en restant il eût couru quelque danger.

« Les fenêtres me portent malheur : » telle fut sa première réflexion quand il se trouva en plein air ; la seconde fut relative au sort qui attendait son maître. « Ils vont le tuer, les féroces assassins, et ils croiront avoir fait une bonne œuvre. Il faut que je retourne à Hamilton : je trouverai sans doute quelques-uns de nos gens, et je les amènerai ici assez à temps pour le secourir. »

En parlant ainsi, Cuddie entra dans l’écurie, sella le meilleur cheval qu’il pût trouver, car le sien était épuisé de fatigue, et prit au galop la route d’Hamilton.

Le bruit des pas de ce cheval troubla un instant les fanatiques dans leur dévotion. Mais bientôt il cessa de se faire entendre ; et Macbriar ayant achevé sa prière, ses auditeurs quittèrent leur posture inclinée, levèrent sur Morton leurs yeux que jusque-là ils avaient tenus baissés, et lui lancèrent de sombres regards.

« Vous me faites un singulier accueil, messieurs, leur dit-il. Je ne sais en quoi je puis l’avoir mérité. — Malédiction sur toi ! malédiction sur toi ! » s’écria Mucklewrath en se levant brusque-