Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/309

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En parlant ainsi, il s’approcha de la maison. Tout annonçait qu’elle était habitée. Une fumée épaisse sortait de la cheminée, et on voyait autour de la porte la trace récente des pas de plusieurs chevaux. Ils entendirent des voix humaines dans la maison ; mais toutes les fenêtres étaient soigneusement fermées, et quand ils frappèrent à la porte on ne leur répondit point. Après avoir vainement demandé, supplié même qu’on leur ouvrît, ils allèrent vers une écurie ou un hangar, dans l’intention d’y mettre leurs chevaux avant d’aviser aux moyens de se faire ouvrir la porte ; ils y trouvèrent dix ou douze chevaux dont l’air de fatigue, les selles et l’équipement militaire fort en désordre, montraient assez que leurs maîtres étaient des insurgés fugitifs aussi bien qu’eux-mêmes.

« Cette rencontre est de bon augure, dit Cuddie ; nous aurons ici un morceau de bœuf à manger, cela est certain, car voici une peau qui était encore sur le dos de l’animal il n’y a pas une demi-heure ; elle est encore chaude. »

Encouragés par ces apparences, ils retournèrent à la maison, en s’annonçant comme des membres du même parti que ceux qui s’y trouvaient, et ils demandèrent à grands cris à être reçus.

Après un long et obstiné silence, une voix lugubre répondit par la fenêtre : « Qui que vous soyez, ne troublez pas ceux qui, pleurant sur la désolation et la captivité du peuple, recherchent les causes de la colère divine et de la trahison, afin que les pierres d’achoppement contre lesquelles nous nous sommes heurtés soient écartées de notre chemin. — Ce sont des whigs enragés de l’ouest, » dit Cuddie à son maître d’une voix basse ; « je les reconnais à leur langage. Je ne saurais me résoudre à entrer dans la compagnie de ces gens-là. »

Morton n’en continua pas moins à s’adresser à ceux qui occupaient la maison et à leur demander asile. Ses prières n’étant point écoutées, il força un des contrevents, poussa brusquement la fenêtre qui n’était pas très-solide, et sauta dans la vaste cuisine d’où la voix était sortie. Cuddie le suivit, murmurant entre ses dents, tout en avançant la tête par la croisée, qu’il espérait bien qu’il n’y avait pas de marmite de soupe bouillante sur le feu. Le maître et le valet se trouvèrent donc alors dans la compagnie de dix ou douze hommes armés, rangés en demi-cercle autour du feu sur lequel cuisait leur souper, et occupés, en apparence du moins, de leurs dévotions.