Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/304

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monde, ne laissait pas que de gagner du terrain, et la tête de sa colonne était déjà sur le pont, quand l’arrivée de Morton changea la scène. Ses compagnons forcèrent les assaillants à se retirer avec perte. Les troupes royales revinrent une seconde fois à la charge, et une seconde fois elles furent repoussées avec une plus grande perte encore, car Burley survint au moment même. Le feu continua donc avec beaucoup de vivacité de part et d’autre, et l’issue de l’action paraissait fort douteuse.

Montmouth, monté sur un superbe cheval blanc, se faisait remarquer sur la rive droite de la rivière, excitant ses soldats par ses exhortations et par ses prières. Par son ordre, le canon, qui avait été jusque là dirigé contre un corps éloigné de presbytériens, fut tourné contre les défenseurs du pont ; mais ces terribles machines, qu’on manœuvrait alors avec moins de précision qu’aujourd’hui, ne causèrent à l’ennemi ni autant de mal ni autant d’effroi que le duc l’avait espéré. Les insurgés, établis dans des bouquets d’arbres sur le bord du fleuve, ou postés dans les maisons dont on a parlé, combattaient à couvert, tandis que les royalistes, grâce aux précautions de Morton, étaient exposés de toutes parts. La défense du pont, si longue et si opiniâtre, fit craindre enfin aux généraux royalistes qu’elle ne fût couronnée de succès. Montmouth met pied à terre, rallie les gardes à pied, les conduit à une nouvelle attaque, plus violente et plus acharnée que les précédentes, pendant que Dalzell, à la tête des Highlanders du comté de Lennox, se précipite en avant, à leur terrible cri de guerre de Loch-Sloy[1], Dans ce moment critique, les munitions commencèrent à manquer aux défenseurs du pont. Ils envoyèrent inutilement messages sur messages au corps principal de l’armée pour demander, pour implorer des renforts et des munitions ; ce corps restait en arrière, immobile dans la plaine. La crainte, la consternation, le désordre s’y étaient mis, et au moment où le poste duquel dépendait le salut commun avait besoin d’un prompt et puissant renfort, il ne se trouva dans cette armée personne ni pour commander ni pour obéir.

À mesure que le feu des défenseurs du pont se ralentissait, celui des assaillants devenait plus vif et plus meurtrier. Animés par l’exemple et les exhortations de leurs généraux, ils commen-

  1. C’était le slogan ou cri de guerre des Mac-Farlanes ; il était tiré du nom d’un lac, près de la source du Loch-Lomond, au centre de leurs anciennes possessions, sur la rive occidentale de ce beau Loch-Lomond, qu’on pourrait appeler une petite mer intérieure. a. m.