Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/283

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une rivière qu’on ne pouvait passer que sur un pont long et étroit. Il rappela à leur souvenir la victoire qu’ils venaient de remporter sur Claverhouse, quoiqu’ils fussent peu nombreux, moins bien disciplinés, et moins bien armés. Il leur montra que le terrain qu’ils occupaient, par les ondulations et les bouquets de bois dont il était parsemé, offrait, s’il était courageusement défendu, une excellente protection contre l’artillerie et même contre la cavalerie, et qu’au fond leur salut dépendait de leur valeur et de leur intrépidité.

Mais pendant que Morton s’efforçait ainsi de ranimer le courage des simples soldats, il se prévalait auprès des chefs de ces bruits décourageants pour leur faire sentir la nécessité de proposer un arrangement sous des conditions modérées, tandis qu’ils étaient à la tête d’une armée encore formidable et qui n’avait essuyé aucun échec. Il leur représenta que, dans la position où se trouvaient leurs partisans, on ne pouvait guère espérer qu’ils combattissent avec avantage contre les forces régulières et bien disciplinées du duc de Montmouth ; et que s’il leur arrivait, comme on devait le craindre, d’essuyer une défaite, l’insurrection, bien loin d’avoir été utile au pays, serait un prétexte pour l’opprimer plus durement encore.

Pressés par ces arguments, et sentant qu’il était aussi dangereux de rester assemblés que de congédier leurs troupes, la plupart des chefs avouèrent que si les conditions transmises par lord Evandale au duc de Montmouth étaient obtenues, le but pour lequel ils avaient pris les armes serait en grande partie atteint. Ils donnèrent donc leur adhésion à ces propositions, et convinrent d’appuyer les remontrances présentées par Henri Morton. D’un autre côté, quelques chefs, et certains hommes dont l’influence sur le peuple était beaucoup plus grande que celle de personnages en apparence plus considérables, regardaient tout traité de paix qui n’avait pas pour base la ligue solennelle et le Covenant de 1640, comme entièrement illusoire et sans force, comme impie et hérétique. Ils faisaient partager leurs sentiments à la multitude imprévoyante et qui n’avait rien à perdre, en persuadant à beaucoup de gens que ces timides conseillers qui parlaient de paix, sans y mettre pour condition l’expulsion de la famille royale, et la déclaration que l’Église serait affranchie de toute autorité temporelle, devaient être regardés comme des traîtres qui ne cherchaient qu’un spécieux prétexte pour abandonner leurs frères d’armes.