Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/277

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les armes que pour défendre le gouvernement établi et ses propriétés, ce sont là des actes qui doivent déshonorer tous ceux qui y ont pris part, de quelques spécieux prétextes qu’ils les couvrent. — L’horreur de la guerre civile, reprit le cavalier, les misères qu’elle entraîne après elle, pèsent sur la tête de ceux qui, par une oppression illégale, ont réduit des hommes à prendre les armes pour assurer les droits qu’ils tiennent de la nature. — C’est affirmer ce qu’il faudrait prouver, répliqua Édith. Chaque parti prétend avoir raison au fond, et le crime retombe sur ceux qui ont tiré l’épée les premiers. C’est ainsi que, dans une rixe, la loi condamne ceux qui les premiers ont eu recours à la violence. — Hélas ! répondit le cavalier, si notre justification reposait sur ce principe, il nous serait facile de montrer que nous avons souffert avec une patience presque au-dessus des forces de l’humanité, avant d’opposer à l’oppression une résistance ouverte ! Mais je m’aperçois, » continua-t-il avec un profond soupir, « qu’il est inutile de plaider devant miss Bellenden une cause qu’elle a déjà condamnée, autant peut-être par aversion contre la personne que contre les principes de ceux qui y sont attachés. — Pardonnez-moi, répondit Édith : j’ai exprimé fièrement mon opinion sur les principes des insurgés ; quant à leurs personnes, je ne les connais point à une seule exception près. — Et cette exception, reprit le cavalier, a influé sur votre opinion relativement à tout leur parti. — Loin de là, répliqua Édith ; il est… au moins jadis je le croyais… un de ces hommes avec lesquels bien peu sauraient soutenir la comparaison… il a, il paraissait au moins avoir des talents naturels, une fidélité inviolable, une loyauté à toute épreuve, une ardente sensibilité… Puis-je approuver une rébellion qui a fait qu’un homme né pour orner, illustrer et défendre sa patrie, soit devenu le compagnon d’obscurs et ignorants fanatiques, de bavards hypocrites, le chef de paysans grossiers, le frère d’armes de bandits, d’assassins de grande route ? Si jamais vous rencontrez dans votre camp un homme tel que celui que je dépeins, dites-lui qu’Édith Bellenden a versé plus de larmes sur la tache imprimée à son caractère, sur ses espérances détruites, sur le déshonneur qu’il a imprimé à son nom, que sur les malheurs de sa propre maison ; qu’elle a moins souffert de la famine qui a creusé ses joues, terni ses yeux, que du serrement de cœur qu’elle ressentait en songeant à qui elle devait, tous ces maux. »

En parlant ainsi, elle tourna vers son compagnon un visage dont