Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/260

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dant lui imposer des lois plus sévères que celles qu’ils suivaient eux-mêmes ; et il se mit en route sans qu’on lui adressât aucune objection directe. Le révérend M. Poundtext profita de l’occasion pour visiter son presbytère dans les environs de Tillietudlem, et fit à Morton l’honneur de l’accompagner. Comme presque tout le pays était de leur parti et occupé par des détachements de leurs troupes, à l’exception des manoirs de plusieurs vieux barons du parti des cavaliers, ils partirent sans aucune autre suite que le fidèle Cuddie.

Le soleil allait se coucher quand ils arrivèrent à Milnwood, où Poundtext dit adieu à ses compagnons, et se dirigea seul vers sa demeure située à un demi-mille plus loin que Tillietudlem. Que de réflexions se présentèrent à l’esprit de Morton à la vue de ces bois, de ces ruisseaux, de ces plaines qu’il connaissait si bien ! Son caractère, aussi bien que ses habitudes, ses pensées et ses occupations, avaient entièrement changé en moins d’une quinzaine, et vingt jours semblaient avoir produit sur lui l’effet d’autant d’années. Un jeune homme doux, sensible et romanesque, élevé dans la dépendance, se pliant patiemment aux fantaisies d’un parent avare et tyrannique, avait été tout à coup poussé par l’excès de l’oppression et des outrages à se mettre à la tête d’hommes armés ; il avait pris une part très-active aux affaires publiques, avait des amis à encourager et des ennemis à combattre ; enfin il sentait sa destinée personnelle liée à l’issue d’une insurrection et d’une révolution nationale. Il semblait avoir soudainement passé des rêves romanesques de la jeunesse aux travaux et aux soins actifs de l’âge mûr. Tout ce qui l’avait intéressé jadis était effacé de sa mémoire, excepté son attachement pour Édith ; son amour même paraissait avoir un caractère plus mâle et plus élevé, par le mélange et le contraste d’autres devoirs et d’autres sentiments. Tandis qu’il réfléchissait aux particularités de ce changement soudain, aux circonstances qui l’avaient occasionné, et aux conséquences probables de sa carrière présente, un mouvement d’inquiétude bien naturelle céda promptement à un élan de généreuse et noble confiance.

« Je mourrai jeune, dit-il ; et s’il doit en être ainsi, mes motifs seront mal compris, et mes actions condamnées par ceux dont l’approbation est si chère à mon cœur. Mais le glaive de la liberté et du patriotisme est dans ma main, et je ne périrai pas lâchement ni sans vengeance. On peut exposer mon corps au gibet et tortu-