Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/253

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moins ; et tirant Morton à l’écart, il eut avec lui la conversation suivante :

« C’est mal à toi, Henri Morton, de vouloir sacrifier cette sainte cause à ton amitié pour un Philistin incirconcis, ou à ta concupiscence pour une femme moabite. — Je ne sais ce que vous voulez dire, monsieur Balfour, et je ne comprends pas vos allusions, » répondit Morton avec colère ; « j’ignore pourquoi vous me faites un reproche si insultant, dans un si grossier langage. — Confesse cependant la vérité ; avoue qu’il y a dans ce sombre château des personnes sur lesquelles tu veilleras comme une mère sur ses jeunes enfants, plutôt que d’arborer sur ces murs la bannière triomphante de l’Église d’Écosse. — Si vous voulez dire que je verrais avec plaisir cette guerre se terminer sans répandre de sang, plutôt que d’acquérir de la gloire et de l’autorité au prix de la vie de mes compatriotes, vous avez raison. — Et je ne me trompe guère en pensant que tu n’exclurais pas d’une pacification générale les amis que tu as dans Tillietudlem.

Certainement, poursuivit Morton : je dois trop au major Bellenden pour ne pas souhaiter de lui rendre ce service autant que le permettra l’intérêt de la cause que je défends. Je ne rougirai jamais de mon affection pour lui. — Je le sais, dit Burley ; mais quand même tu en eusses fait un mystère, j’aurais toujours deviné ce que tu aurais voulu me cacher. Maintenant, écoute-moi. Ce major Bellenden a des vivres pour un mois. — Vous êtes dans l’erreur, répondit Morton : nous savons que ses provisions peuvent à peine durer une semaine. — Oui ; mais j’ai su depuis de la manière la plus certaine que ce rusé coquin à tête grise a répandu ce bruit parmi les soldats de sa garnison, soit pour les déterminer à une diminution de ration, soit pour nous retenir devant les murs de son château jusqu’à ce que le glaive fut aiguisé pour nous frapper et nous détruire. — Et pourquoi n’avoir pas communiqué ce fait au conseil de guerre ? — Pourquoi ? qu’avons-nous besoin de détromper sur un tel sujet Kettledrummle, Macbriar, Poundtext et Langeale ? Tu dois avouer toi-même que tout ce qu’on leur dit est transmis au reste de l’armée dès leur premier sermon. Elle est déjà découragée en pensant qu’il faudra rester une semaine devant ce château : que serait-ce donc si on lui commandait de se préparer à un siège d’un mois ? — Mais alors pourquoi me l’avoir caché à moi ? pourquoi m’en instruire à présent ?… et, avant tout, où sont vos preuves ? — En voici quelques-unes, » répondit Bur-