Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/224

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comble de l’abomination et de l’impiété ! » dit Morton incapable de contenir son indignation ; « quelle protection pouvez-vous espérer du ciel, quand vous écoutez des discours horribles d’atrocité et de folie ? — Silence, jeune homme ! dit Kettledrummle ; réserve tes censures pour les choses que tu peux connaître : il ne t’appartient pas de juger le vase dans lequel l’Esprit verse ses inspirations. — Nous jugeons de l’arbre par le fruit, dit Poundtext, et nous ne regardons pas comme inspirés par le ciel des discours qui sont en opposition formelle avec les lois divines. — Vous oubliez, frère Poundtext, dit Macbriar, que les derniers jours sont arrivés où les signes et les prodiges seront multipliés. »

Poundtext allait répondre ; mais, avant qu’il eût prononcé une parole, l’extravagant prédicateur s’écria, d’une voix qui ne permettait à aucune autre de s’élever : « Qui parle de signes et de prodiges ? Ne suis-je pas Habacuc Mucklewrath, dont le nom est maintenant Magor-Misabid, par ce que je suis devenu un objet de terreur pour moi-même et pour tous ceux qui m’entourent ? Je l’ai entendu… D’où l’ai-je entendu ?… N’était-ce pas dans la tour de Bas, qui domine la vaste mer ? Je l’ai entendu dans le mugissement des vents, dans le bruit des flots… Les oiseaux de mer l’ont sifflé et crié dans leurs sifflements et dans leurs cris, en nageant et en volant, en tombant et en plongeant dans les vagues… Je l’ai vu… D’où l’ai-je vu ?… N’était-ce pas des hauteurs de Dumbarton, quand je regardais, vers l’ouest, les plaines fertiles, et vers le nord, les stériles montagnes des hautes terres ; quand les nuages s’amoncelaient et formaient les tempêtes, et que les éclairs du ciel éclataient en traînées de flammes aussi larges que les bannières d’une armée ?… Qu’ai-je vu ?… Des corps morts, des chevaux blessés, le choc des combattants, et des vêtements souillés de sang… Qu’ai-je entendu ?… Une voix qui criait : Tue, tue, frappe, tue sans quartier, sois sans miséricorde ! tue les vieillards et les jeunes gens, la vierge, l’enfant et la mère en cheveux blancs ! Détruis la maison et remplis les cours de cadavres ! — Nous obéirons à cet ordre ! s’écrièrent plusieurs voix ; il y a six jours qu’il n’a ni parlé ni mangé de pain, et maintenant sa langue est déliée. Nous obéirons à cet ordre ; nous ferons comme il l’a dit ! »

Étonné, dégoûté et frappé d’horreur, Morton sortit du cercle et quitta la chaumière. Il fut suivi par Burley, qui surveillait tous ses mouvements.