Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/210

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térêt de son maître, il faut qu’il attende que Duncan Glen, le vieil ivrogne de cavalier, soit revenu de Tillietudlem, où il est allé porter la farine d’avoine et offrir mes services à milady et au major, si bien qu’il ne m’en restera pas de quoi faire ma bouillie. Si Duncan se tire bien d’affaire, je lui donnerai une tasse de whisky qui fera sortir une flamme bleue de sa bouche. — Et que faudra-t-il que nous mangions nous-mêmes, mon père, demanda Jenny, quand nous aurons envoyé toute la farine d’avoine qui est dans le coffre et dans la grande caisse ? — Il faudra que nous mangions pendant un temps de la farine de froment, » dit Niel d’un ton de résignation ; ce n’est pas une mauvaise nourriture, quoiqu’elle soit loin d’être aussi saine et aussi agréable pour un estomac écossais que la vraie farine d’avoine : les Anglais s’en nourrissent ; et certes leurs estomacs gloutons ne trouvent rien de meilleur. »

Tandis que les hommes prudents et paisibles cherchaient, comme Niel Blane, à se ménager entre les deux camps, les plus fanatiques commençaient à prendre les armes de tous côtés. Les royalistes n’étaient pas nombreux, mais ils étaient respectables par leur fortune et par leur influence, étant presque tous des propriétaires d’ancien lignage, qui avec leurs frères, cousins et dépendants depuis la neuvième génération, ainsi que leurs domestiques, formaient une espèce de milice capable de défendre leurs maisons contre les corps détachés des insurgés, de résister à toutes leurs réquisitions, et d’intercepter les convois qui pourraient être envoyés au camp presbytérien. La nouvelle que la tour de Tillietudlem était en état de défense inspirait beaucoup de courage à ces volontaires féodaux, qui la considéraient comme une forteresse où ils se réfugieraient s’il leur devenait impossible de soutenir la guerre partielle dans laquelle ils allaient s’engager.

D’une autre part les villes, les villages, les fermiers et les petits propriétaires, envoyaient de nombreuses recrues au camp presbytérien. Ces hommes étaient ceux qui avaient le plus souffert de l’oppression. Leurs esprits étaient aigris et poussés au désespoir par les contributions qui leur étaient imposées et les cruautés qu’ils avaient souffertes, et quoiqu’ils ne fussent nullement d’accord entre eux sur le but de cette insurrection formidable, ou sur les moyens d’en atteindre le but, la plupart la considéraient comme une voie que le ciel leur offrait pour obtenir la liberté de conscience dont ils étaient privés depuis long-temps, et pour secouer le joug d’une tyrannie qui paralysait le corps et l’âme.