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de celui où elle avait perdu son mari et ses enfants, et enfin, à ces heures où elle adressait au ciel des prières ferventes et solennelles à l’occasion de quelque calamité nationale ou domestique. — « Où donc est le major Bellenden ? » dit Édith fort alarmée. — Sur le haut de la tour, madame ; il pointe les canons, » lui répondit-on.

Elle se rendit alors près des batteries, bien qu’arrêtée en chemin par mille obstacles, et trouva le vieux gentilhomme au milieu de son élément naturel, commandant, grondant, encourageant, donnant ses instructions : bref, exerçant tous les devoirs d’un bon gouverneur.

« Au nom du ciel, qu’y a-t-il, mon oncle ? s’écria Édith. — Ce qu’il y a, ma nièce ? » répondit tranquillement le major, tandis que, ses lunettes sur le nez, il pointait un canon ; « ce qu’il y a ? mais… Levez encore un peu la culasse, John Gudyill… Ce qu’il y a ? mais Claverhouse est en déroute, ma chère, et les républicains viennent en force sur nous ; voilà tout ce qu’il y a. — Puissance céleste ! » dit Édith, dont les yeux se portèrent en même temps sur la route qui côtoyait la rivière ; « et les voilà là-bas ! — Là-bas, où ? » dit le vétéran ; et parcourant des yeux la même direction, il aperçut un gros corps de cavalerie qui descendait la route. « À vos pièces, mes amis ! » s’écria-t-il d’abord ; « nous leur ferons payer le passage quand ils traverseront la rivière. Mais, attendez, attendez, ce sont certainement les gardes-du-corps. — Oh, non, mon oncle, non, reprit Édith. Voyez comme ils sont en désordre, et comme ils conservent mal leurs rangs, ce ne sont pas là les beaux soldats qui nous ont quittés ce matin.

— Oh, ma chère enfant ! reprit le major, vous ne savez pas quelle différence il y a entre des hommes avant une bataille et après une défaite ; mais ce sont les gardes-du-corps, car je distingue le rouge et le bleu des couleurs du roi. Je suis bien aise qu’ils aient sauvé leur étendard.

Son opinion se confirma quand les troupes, s’étant approchées, firent halte devant la route qui conduisait à la tour, tandis que leur officier commandant, les laissant reprendre haleine et rafraîchir leurs chevaux, galopa vers la colline.

« C’est Claverhouse assurément, dit le major ; je suis charmé qu’il ait échappé : mais il a perdu son fameux cheval noir. Allez avertir lady Marguerite, John Gudyill. Faites préparer des rafraîchissements ; donnez de l’avoine pour les chevaux des soldats, et rendons-nous dans la salle, Édith, pour le recevoir. Je crois que nous n’apprendrons que de bien tristes nouvelles.