Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/200

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On a souvent remarqué que les nouvelles des événements importants volent avec une célérité presque incroyable, et que les rapports, assez exacts dans le point principal, mais fort inexacts dans les détails, précèdent la nouvelle certaine, comme s’ils étaient portés sur les ailes des oiseaux. De pareilles rumeurs anticipent sur la réalité, à peu près comme l’ombre des événements qui viennent[1] se présente à l’esprit du prévoyant montagnard. Harrison dans sa course apprit le résultat de la bataille ; et, rempli de consternation, il reprit le chemin de Tillietudlem.

Son premier soin fut de chercher le major. Il l’interrompit au milieu d’un long récit du siège et de l’assaut de Dundee, en s’écriant : « Dieu veuille, major, que nous ne voyions pas un siège de Tillietudlem avant qu’il soit long-temps ! — Qu’est-ce, Harrison ? Que diable voulez-vous dire ? » s’écria le vétéran tout étonné. — Vraiment oui, monsieur ! on dit, et ce bruit s’accrédite d’heure en heure, que Claverhouse est entièrement défait, d’autres disent tué ; que les soldats sont totalement dispersés, et que les rebelles viennent de ce côté, menaçant de mort et de dévastation tout ce qui ne veut pas adopter le Covenant. — Je ne croirai jamais cela ? » dit le major en se levant subitement ; « je ne croirai jamais que les gardes-du-corps aient fui devant des rebelles ! Et pourquoi parlé-je ainsi, » continua-t-il en se modérant, « quand moi-même j’ai vu pareille chose ? Envoyez Pike avec un ou deux des domestiques chercher des nouvelles, et que tous les hommes du château et du village à qui on peut se fier prennent les armes. Cette vieille tour les arrêterait quelque temps, si elle était approvisionnée et si elle avait une garnison ; elle commande le passage qui sépare les terres basses des terres hautes. Il est heureux que je me trouve ici ! Allez recruter des hommes, Harrison ; vous, Gudyill, voyez quelles sont vos provisions, et ce que vous pourrez y ajouter, et soyez prêt, si la nouvelle se confirme, à abattre autant de bœufs que vous aurez de sel pour les saler. Le puits ne se dessèche jamais ; il y a de vieux canons antiques sur les batteries ; si nous avions seulement des munitions, nous nous tirerions d’affaire. — Les soldats ont laissé quelques caissons de munitions dans la grange, ce matin, pour y attendre leur retour, dit Harrison. — Dépêchez-vous donc de les faire entrer au château, dit le major,

  1. The shadows of coming events, expression de Thomas Campbell dans sa belle ode ayant pour titre Lochiel, devin qui prédit la bataille de Culloden, où fut perdue la cause des Stuart. a. m.