Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/192

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Kettledrummie surpassa l’attente de Burley. Il prêcha deux heures sans reprendre haleine ; et certes il fallait la puissance de sa doctrine, appuyée de celle de ses poumons, pour occuper aussi long-temps, dans un moment si critique, l’attention d’un grand nombre d’hommes ; mais il possédait cette espèce d’éloquence familière qui appartenait aux prédicateurs de cette époque, et qui, bien que peu propre à être goûtée par un auditoire qui aurait eu le moindre goût, était comme un pain bien levé pour le palais de ceux à qui elle s’adressait. Il avait pris son texte dans le XLIXe chap. d’Isaïe : « Certainement aussi les captifs des puissants seront délivrés, et ce qui aura été enlevé par le fort sera rendu ; mais je jugerai ceux qui t’ont jugé, et je sauverai tes fils, et je ferai manger leur chair à tes ennemis, et ils seront enivrés de leur sang comme de vin doux ; et toute chair connaîtra que je suis le Seigneur qui te sauve et ton rédempteur, le fort de Jacob. »

Le discours qu’il prononça sur ce sujet était divisé en quinze parties, dont chacune contenait sept points d’application, deux de consolation, deux de terreur, deux déclarant les causes d’apostasie et de courroux, et le dernier annonçant la délivrance promise et attendue. Il appliqua la première partie de son texte à sa propre délivrance et à celle de ses compagnons, et saisit cette occasion pour faire l’éloge du jeune Milnwood, qu’il proclama le champion du Covenant, destiné à de hauts faits. Il appliqua la seconde partie aux punitions prêtes à tomber sur le gouvernement persécuteur. Parfois il était familier et déclamateur, parfois bruyant et énergique. Quelques parties de son discours auraient pu s’appeler sublimes, et d’autres étaient au-dessous du burlesque. Parfois il revendiquait avec beaucoup de force le droit qu’avait chaque homme libre d’adorer Dieu selon sa conscience ; et bientôt il rejetait les péchés et la misère du peuple sur l’affreuse négligence de ses chefs, qui non seulement avaient manqué d’établir le presbytérianisme comme religion dominante, mais avaient toléré des sectaires de diverses sortes, papistes, prélatistes, érastiens, qui prenaient le nom de presbytériens, indépendants, sociniens et quakers. Kettledrummie proposait de les expulser du royaume par un acte de réforme, et de rétablir par là dans toute son intégrité la beauté du sanctuaire. Ensuite il parla avec force de la doctrine de la défense armée, de la résistance envers Charles II, faisant observer qu’au lieu d’être le père nourricier de l’Église, ce monarque n’avait été le père nourricier que de ses propres bâtards.