Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/186

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La vieille enthousiaste aurait effectivement accompli son dessein de monter sur le tertre et de se montrer, ainsi qu’elle le disait, comme le signe et la bannière de son peuple, si Cuddie, plus rempli de tendresse filiale que de respect, ne l’eût retenue avec autant de force que le lui permirent les liens qui retenaient ses bras.

« Eh ! grand Dieu ! » dit-il après avoir rempli cette tâche, « regardez là-bas, Milnwood ; avez-vous jamais vu un mortel se battre comme ce diable de Claverhouse ? Il a été trois fois au milieu d’eux, et trois fois il a su se dégager. Mais je crois que nous serons bientôt libres aussi, Milnwood ; Inglis et ses cavaliers regardent souvent par-dessus leurs épaules, comme s’ils aimaient mieux, la route qui est derrière eux que celle qui est devant. »

Cuddie ne se trompait pas, car lorsque le gros de fuyards passa à peu de distance du lieu où ils étaient placés, le caporal et son parti déchargèrent leurs carabines au hasard sur les insurgés qui s’avançaient, et, abandonnant la garde des prisonniers, s’enfuirent avec leurs camarades. Morton et la vieille femme, qui avaient les mains libres, ne perdirent pas de temps pour défaire les liens de Cuddie et du ministre, dont on s’était assuré au moyen d’une corde attachée autour de leurs bras au-dessus des coudes. Comme ils venaient de les délivrer, l’arrière-garde des dragons, qui conservait encore un peu d’ordre, passa au pied du petit tertre dont nous avons déjà si souvent parlé. Ils offraient toute la précipitation et la confusion d’une retraite forcée, mais ils se maintenaient en corps. Claverhouse marchait en avant ; son épée nue était teinte de sang ainsi que son visage et ses vêtements ; son cheval tout sanglant chancelait de faiblesse. Lord Evandale, en aussi mauvais état, conduisait l’arrière-garde, exhortant toujours les soldats à se tenir réunis et à ne rien craindre. Plusieurs des hommes étaient blessés, et un ou deux tombèrent de cheval en gravissant la montagne.

Le zèle de Mause éclata encore à ce spectacle. Elle était debout sur la lande ; sa tête découverte et ses cheveux gris flottant au gré des vents offraient l’image d’une bacchante surannée, ou d’une sorcière thessalienne dans le transport de ses enchantements. Elle découvrit bientôt Claverhouse à la tête de son parti fugitif, et s’écria avec une ironie amère : « Arrêtez, arrêtez, vous tous qui étiez toujours si joyeux de vous trouver à une assemblée des saints, et qui auriez parcouru tous les marais d’Écosse pour