Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/180

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en désordre grâce à l’irrégularité du terrain. Lui et les siens en tuèrent quelques uns, repoussèrent les autres dans la mare, et les tinrent tous en échec suffisamment pour donner le temps au corps principal, alors bien diminué et découragé par les pertes qu’il avait éprouvées, de commencer sa retraite vers le sommet de la montagne.

Mais l’avant-garde de l’ennemi, se trouvant bientôt renforcée et soutenue, obligea Claverhouse à suivre ses troupes. Quoi qu’il en soit, jamais homme ne soutint mieux sa réputation d’intrépide soldat, de capitaine habile, qu’il ne le fît ce jour-là. Remarquable par son cheval noir et son panache blanc, il était le premier dans les charges répétées qu’il faisait à chaque occasion favorable, pour arrêter les progrès de ceux qui les poursuivaient, et pour faciliter la retraite de son régiment. Le point de mire de tous, il semblait invulnérable. Les fanatiques superstitieux, qui le considéraient comme un homme doué par l’esprit malfaisant de moyens surnaturels de défense, assuraient avoir vu les balles rebondir sur ses bottes fortes et sur son habit de buffle, comme la grêle sur un roc de granit, pendant qu’il galopait çà et là au milieu de la mêlée. Ce jour-là, plus d’un républicain chargea son mousquet avec un dollar coupé en morceaux, afin qu’une balle d’argent pût abattre le persécuteur de la sainte Église, puisque le plomb n’avait pas de pouvoir sur lui.

« Chargez-le avec l’acier froid, » était le cri à chaque nouvelle détonation : « on use inutilement la poudre sur lui. Autant vaudrait tirer sur le diable lui-même[1]. »

Malgré cet avis, souvent répété à haute voix, la frayeur des insurgés était telle, qu’ils reculaient devant Claverhouse comme devant un être surnaturel, et peu d’entre eux se hasardèrent à croiser l’épée avec lui. Quoi qu’il en soit, il continuait toujours à battre en retraite, et avec tous les désavantages de ce mouvement. Les soldats qui se trouvaient derrière lui, en voyant le nombre croissant d’ennemis qui fourmillaient au milieu du marécage, s’ébranlèrent ; et à chaque pas, le major Allan et lord Evandale éprouvaient plus de difficulté pour former une ligne régulière, leur marche devenant beaucoup trop rapide pour que l’ordre ne fût pas rompu. À mesure que les soldats en retraite

  1. Les covenantaires allaient jusqu’à croire que leurs principaux ennemis, et surtout Claverhouse, avaient obtenu du diable un charme qui les préservait des balles. a. m.