Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/161

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tant de gens à cheval derrière nous… Et puis, vous n’allez pas rester dans le pays ?… » dit-il en s’arrêtant et en s’interrompant. — Il est probable que non, reprit Morton. — Eh bien, je ne m’en inquiète pas le moins du monde. Voyez-vous, je ferais cadeau de ma mère à sa vieille grondeuse de sœur, ma tante Meg, qui demeure dans Gallowgate de Glasgow, et alors j’espère qu’on ne la brûlerait pas comme sorcière, qu’on ne la laisserait pas mourir faute de nourriture, et qu’on ne la pendrait pas comme vieille républicaine ; car on dit que le prévôt a beaucoup d’égards pour les pauvres gens. Et alors vous et moi nous irions chercher fortune, comme les gens dans les vieux contes de Jak le tueur de géants, et Valentin et Orson ; et quand nous reviendrions dans la gaie Écosse, comme dit la chanson, je me remettrais à la charrue, et je ferais de tels sillons dans les bonnes terres de Milnwood, que leur vue seule ferait autant de plaisir qu’une pinte de bon vin. — Je crains, dit Morton, qu’il n’y ait bien peu de chance, mon bon ami Cuddie, que nous reprenions nos anciennes occupations. — Comment, monsieur… comment ! reprit Cuddie. Il est toujours bon de se tenir le cœur ferme et joyeux… On a vu des navires bien avariés arrivés au port… Mais qu’est-ce que j’entends ? Que je meure, si ma vieille mère ne s’est pas remise en train de prêcher ! Je connais bien le son de sa voix : il est tout comme celui du vent qui souffle dans l’espace ; et voilà Kettledrummle qui se remet à l’ouvrage aussi… Bon Dieu ! si les soldats se fâchent, ils les tueront, et nous aussi de compagnie !

Leur conversation fut interrompue par un bourdonnement derrière eux, dans lequel la voix du prédicateur envoyait, conjointement avec celle de la vieille femme, des sous semblables à ceux des notes d’un basson, mêlées au râclement d’un violon fêlé. D’abord, les deux vieilles victimes s’étaient contentées de s’adresser leurs condoléances, et d’exprimer à voix basse leur indignation ; mais le sentiment de leurs injures devint plus vif à mesure qu’ils se les communiquaient, et enfin il leur fut impossible de réprimer leur courroux.

« Malheur, malheur, trois fois malheur à vous, persécuteurs violents et sanguinaires ! s’écria le révérend Gabriel Kettledrummle… malheur, trois fois malheur à vous, même au jour où l’on rompra le grand sceau, où la trompette sonnera et où l’on videra les urnes ! — Oui… oui… un sombre avenir les attend, et ils ne se trouveront plus sous le vent au grand jour ! » répéta la hau-