Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/151

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talement. Elle se leva tout à coup en ce moment, et voulut s’élancer ; mais ses forces l’abandonnèrent, et elle serait tombée sur le carreau si elle n’eût été soutenue par sa suivante.

« Au secours ! s’écria Jenny… au secours, au nom du ciel ! ma jeune lady se meurt. »

À cette exclamation, Evandale, qui, pendant la première partie de la scène, était resté immobile, appuyé sur son sabre, s’avança, et dit à son officier commandant : « Colonel Graham, avant de donner suite à cette affaire, voulez-vous me permettre de vous parler en particulier ? »

Claverhouse parut surpris ; mais se levant aussitôt, il se retira avec le jeune noble dans le fond de la chambre, où ils eurent la conversation suivante :

« Je crois que je n’ai nul besoin de vous rappeler, colonel, que lorsque le crédit de ma famille vous fut de quelque utilité, l’année dernière, dans une affaire devant le conseil privé, vous vous considérâtes comme nous ayant quelques obligations ? — Assurément, mon cher Evandale, reprit Claverhouse ; je ne suis pas homme à oublier de pareilles dettes, et vous m’obligerez en me disant comment je pourrais vous témoigner ma reconnaissance. — Je considérerai la dette comme payée, dit lord Evandale, si vous voulez épargner la vie de ce jeune homme. — Evandale, » reprit Graham témoignant la plus grande surprise, « vous êtes fou, absolument fou… Quel intérêt pouvez-vous porter à ce jeune rejeton d’une vieille tête ronde ?… Son père était l’homme le plus dangereux de toute l’Écosse, calme, résolu, soldat dans l’âme, et inflexible dans ses maudits principes. Son fils paraît lui ressembler entièrement : vous ne pouvez concevoir le mal qu’il peut faire. Je connais les hommes, Evandale… Si celui-ci était un nigaud de paysan, un fanatique insignifiant, croyez-vous que j’aurais refusé une bagatelle comme sa vie à lady Marguerite et à cette famille ? Mais il est plein de feu, de zèle et de talent… et il ne faut à ces brigands qu’un chef semblable pour guider leur hardiesse enthousiaste. Je vous dis ceci, non pas pour rejeter votre requête, mais pour vous en faire pleinement sentir les suites probables… Je n’élude jamais l’accomplissement d’une promesse, et je ne refuse pas de reconnaître une obligation… Vous demandez qu’il vive, il vivra. — Faites-le garder à vue, reprit Evandale, mais ne soyez pas surpris si je persiste à demander que vous ne le fassiez pas mourir. J’ai les plus pressantes raisons pour vous en prier. — Qu’il