Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/137

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rience, sa délicatesse naturelle lui avait appris l’avantage qu’une femme jeune et belle donne à un homme quand elle lui permet de la mettre dans la dépendance d’un service rendu. Elle aurait d’autant moins cherché à solliciter quelque faveur auprès de lord Evandale, que les dames du Clydesdale le lui avaient assigné pour prétendant, pour des raisons que nous ferons connaître plus loin, et elle ne pouvait se dissimuler qu’un léger encouragement suffirait pour justifier des conjectures jusque-là dénuées de fondement. Ses craintes étaient d’autant plus légitimes que, si lord Evandale faisait une déclaration formelle, il avait tout lieu d’espérer d’être appuyé par l’influence de lady Marguerite et de ses autres amis, et qu’elle n’aurait à opposer à leurs sollicitations et à leur autorité qu’une prédilection dont elle savait que l’aveu serait aussi dangereux qu’inutile. Elle se décida donc à attendre le résultat de l’intercession de son oncle ; et s’il échouait, ce qu’elle comptait bien apprendre par les regards ou les paroles du sincère vétéran, elle ferait alors un dernier effort, en faveur de Morton, en usant de son influence près de lord Evandale. Elle ne fut pas long-temps en suspens sur la demande de son oncle.

Le major Bellenden, qui avait fait les honneurs de la table tout en riant et en causant avec les officiers qui en occupaient l’extrémité, se vit à la fin du repas libre de quitter son poste, et il saisit cette occasion pour s’approcher de Claverhouse, priant en même temps sa nièce de le présenter au colonel. Comme son nom et son caractère étaient bien connus, les deux militaires se firent des politesses réciproques ; et Édith, le cœur agité, vit son vieux parent se retirer de la compagnie, et s’approcher, avec sa nouvelle connaissance, de l’embrasure d’une des grandes croisées voûtées de la salle. Elle épiait leur entrevue avec des yeux presque égarés par l’impatience de l’incertitude, et, avec une attention que l’anxiété de son âme rendait plus pénétrante, elle put deviner par les gestes qui accompagnaient la conversation, les progrès et le résultat de l’intercession en faveur de Henri Morton.

La première expression de la physionomie de Claverhouse annonçait cette politesse ouverte et complaisante qui, avant même de demander quelle faveur on sollicite, semble dire combien on se trouvera heureux d’obliger l’intercesseur. Mais, à mesure que la conversation avançait, le front de l’officier devenait plus sombre et plus sévère, et ses traits, quoiqu’ils conservassent l’expression de la plus parfaite urbanité, prenaient, du moins selon