Analyseurs damnés, abominable race,
Hyènes qui suivez le cortége à la trace
Pour déterrer le corps ;
Aurez-vous bientôt fait de déclouer les bières,
Pour mesurer nos os et peser nos poussières ;
Laissez dormir les morts !
Mes maîtres, savez-vous, qui donc a pu le dire ?
Ce qu’on sent quand la scie avec ses dents déchire
Nos lambeaux palpitants.
Savez-vous si la mort n’est pas une autre vie,
Et si quand leur dépouille à la tombe est ravie
Les aïeux sont contents ?
Ah ! vous venez fouiller de vos ongles profanes
Nos tombeaux violés, pour y prendre nos crânes,
Vous êtes bien hardis.
Ne craignez vous donc pas qu’un beau jour, pâle et blême,
Un trépassé se lève et vous dise : Anathème !
Comme je vous le dis.
Vous imaginez donc, dans cette pourriture,
Surprendre les secrets de la mère nature
Et le travail de Dieu ?
Ce n’est pas par le corps qu’on peut comprendre l’âme.
Le corps n’est que l’autel, le génie est la flamme ;
Vous éteignez le feu !
O mes Enfants-Jésus ! O mes brunes madones !
O vous qui me devez vos plus fraîches couronnes,
Saintes du paradis !
Les savants font rouler mon crâne sur la terre,
Et vous souffrez cela sans prendre le tonnerre,
Sans frapper ces maudits !
Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/35
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