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La bise feuille à feuille emportait la couronne
Dont les débris jonchaient le fût de la colonne ;
        On aurait dit les pleurs
Que sur la jeune fille, au printemps moissonnée,
Pauvre fleur du matin, avant midi fanée,
        Versaient les autres fleurs.

La lune entre les ifs faisait luire sa corne ;
De grands nuages noirs couraient sur le ciel morne
        Et passaient par devant ;
Les feux follets valsaient autour du cimetière,
Et le saule pleureur secouait sa crinière
        Éparpillée au vent.

On entendait des bruits venus de l’autre monde,
Des soupirs de terreur et d’angoisse profonde,
        Des voix qui demandaient
Quand donc à leurs tombeaux l’on mettrait des fleurs neuves,
Comment allait la terre, et pourquoi donc leurs veuves
        Aussi longtemps tardaient ?

Tout à coup… j’ose à peine en croire mon oreille,
Sous le marbre entr’ouvert, ô terreur ! ô merveille !
        J’entendis qu’on parlait.
C’était un dialogue, et, du fond de la fosse,
A la première voix, une voix aigre et fausse
        Par instant se mêlait.

Le froid me prit. Mes dents d’épouvante claquèrent ;
Mes genoux chancelants sous moi s’entrechoquèrent.
        Je compris que le ver
Consommait son hymen avec la trépassée,
Eveillée en sursaut dans sa couche glacée,
        Par cette nuit d’hiver.