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« Femme, vous m’avez fait des promesses sans nombre.
Si vous oubliez, vous, dans ma demeure sombre,
        Moi je me ressouviens.
Vous avez dit à l’heure où la mort me vint prendre,
Que vous me suivriez bientôt ; lassé d’attendre,
        Pour vous chercher je viens ! »

Dans un repli de moi, cette pensée étrange
Est là comme un cancer qui m’use et qui me mange ;
        Mon œil en devient creux ;
Sur mon front nuager de nouveaux plis se fouillent,
De cheveux et de chair mes tempes se dépouillent,
        Car ce serait affreux !

La mort ne serait plus le remède suprême ;
L’homme, contre le sort, dans la tombe elle-même
        N’aurait pas de recours,
Et l’on ne pourrait plus se consoler de vivre,
Par l’espoir tant fêté du calme qui doit suivre
        L’orage de nos jours.

II

 
Dans le fond de mon âme, agitant ma pensée,
Je restais là rêveur et la tête baissée
        Debout contre un tombeau.
C’était un marbre neuf, et sur la blanche épaule
D’un génie éploré, les longs cheveux d’un saule
        Tombaient comme un manteau.