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Le flot a tout couvert de son linceul verdâtre,
Et les rougeurs de rose, et les pâleurs d’albâtre,
Et l’étoile et la fleur éclose à chaque front.

Le flux jette à la côte entre le corps du phoque,
Et les débris de mâts que la vague entre-choque,
Mes rêves naufragés tout gonflés et tout verts ;

Pour ces chercheurs d’un monde étrange et magnifique,
Colombs qui n’ont pas su trouver leur Amérique,
En funèbres caveaux creusez-vous, ô mes vers !

Puis montez hardiment comme les cathédrales,
Allongez-vous en tours, tordez-vous en spirales,
Enfoncez vos pignons au cœur des cieux ouverts.

Vous, oiseaux de l’amour et de la fantaisie,
Sonnets, ô blancs ramiers du ciel de poésie,
Posez votre pied rose au toit de mon clocher.

Messagères d’avril, petites hirondelles,
Ne fouettez pas ainsi les vitres à coups d’ailes,
J’ai dans mes bas-reliefs des trous où vous nicher ;

Mes vierges vous prendront dans un pli de leur robe,
L’empereur tout exprès laissera choir son globe,
Le lotus ouvrira son cœur pour vous cacher.

J’ai brodé mes réseaux des dessins les plus riches,
Évidé mes piliers, mis des saints dans mes niches,
Posé mon buffet d’orgue et peint ma voûte en bleu.

J’ai prié saint Éloi de me faire un calice ;
Le roi mage Gaspard, pour le saint sacrifice,
M’a donné le cinname et le charbon de feu.