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DÉPART



Avant d’abandonner à tout jamais ce globe
Pour aller voir là-haut ce que Dieu nous dérobe,
Et de faire à mon tour au pays inconnu
Ce voyage dont nul n’est encor revenu,
J’ai voulu visiter les cités et les hommes,
Et connaître l’aspect de ce monde où nous sommes.
Depuis mes jeunes ans d’un grand désir épris,
J’étouffais à l’étroit dans ce vaste Paris ;
Une voix me parlait et me disait : — « C’est l’heure ;
Va, déracine-toi du seuil de ta demeure.
L’arbre pris par le pied, le minéral pesant,
Sont jaloux de l’oiseau, sont jaloux du passant ;
Et puisque Dieu t’a fait de nature mobile,
Qu’il t’a donné la vie, et le sang et la bile,
Pourquoi donc végéter et te cristalliser
À regarder les jours sous ton arche passer ?
Il est au monde, il est des spectacles sublimes,
Des royaumes qu’on voit en gravissant les cimes,