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Si j’eschappe d’icy, Dorat[1], je te promets
Qu’Apollon et Cypris je suivray desormais,
Sans que l’ambition mon repos importune ;

Les venteuses faveurs ne pourront me tenter,
Et de peu je sçauray mes desirs contenter,
Prenant congé de vous, esperance et fortune !


III

D’UNE FONTAINE


Cette fontaine est froide, et son eau doux-coulante,
À la couleur d’argent, semble parler d’Amour ;
Un herbage mollet reverdit tout autour,
Et les aunes font ombre à la chaleur brûlante.

Le fueillage obeyt à Zephyr qui l’évante,
Soupirant, amoureux, en ce plaisant sejour ;
Le soleil clair de flame est au milieu du jour,
Et la terre se fend de l’ardeur violante.

Passant, par le travail du long chemin lassé,
Brûlé de la chaleur et de la soif pressé,
Arreste en cette place où ton bon-heur te maine ;

L’agreable repos ton corps delassera,
L’ombrage et le vent frais ton ardeur chassera,
Et ta soif se perdra dans l’eau de la fontaine.


IV

SUR LA BERGERIE DE REMY BELLEAU[2]


Quand je ly, tout ravy, ce discours qui soupire
Les ardeurs des bergers, je t’appelle menteur,
(Pardonne-moy) Belleau, de t’en dire l’autheur ;
Car un homme mortel ne sçauroit si bien dire.

Amour, qui tient les dieux au joug de son empire,
A derechef contraint Phebus d’estre pasteur,
Qui, pour charmer sa peine et l’œil son enchanteur,
Doit avoir fait ces vers, témoins de son martire.

Ô Phebus ! ô grand dieu des poëtes invoqué !
Parmy nos champs français si tu as remarqué
Quelque herbe, ou quelque fleur, qui les cœurs peut contraindre,

Change cil d’Hippolyte et le rend enflammé !
Ou bien, s’il faut que j’aime et ne sois point aimé,
Fay qu’en si beaux regrets mon mal je puisse plaindre.


  1. Voyez la note de la page 2.
  2. Voyez la note de la page 21.