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On attribue ordinairement l’origine des fables à l’imagination vive des Orientaux; pour moi, je l’attribue à l’ignorance des hommes. Mettez un Peuple nouveau sous le pole, ses premières histoires seront des fables; et en effet les anciennes histoires du Septentrion n’en sont-elles pas toutes pleines ? Je ne dis pas qu’un soleil vif et ardent ne puisse encore donner aux esprits une dernière coction qui perfectionne la disposition qu’ils ont à se repaître de fables: mais tous les hommes ont pour cela des talens indépendans du soleil. Aussi dans tout ce que je viens de dire, je n’ai supposé dans les hommes que ce qui leur est commun à tous, et ce qui doit avoir son effet sous les zones glaciales comme sous la torride.

Et même s’il falloit pousser la chose plus loin, je prouverois bien que la même ignorance a produit à peu-près les mêmes idées, et je montrerois une conformité étonnante entre les fables des Américains et celles des Grecs. Il se trouveroit que les Grecs avec tout leur esprit, lorsqu’ils étoient un Peuple encore nouveau ne pensèrent point plus raisonnablement que les Barbares d’Amérique;