Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/278

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C’eſt là le trait cruel qui déchire mon cœur.
Ah ! S’il vous touche encor, reſpectez mon malheur.
Si de vous obéir ce cœur était capable,
J’aurais trop mérité le deſtin qui m’accable.
Dans l’état où je ſuis, loin de vous attendrir,
C’eſt vous qui devriez m’exciter à mourir,
Et même me prêter une main généreuſe.
Cachez à mes regards cette douleur honteuſe.
Que craignez-vous ? Ma mort ? La mort n’eſt qu’un inſtant
Que le grand cœur défie, et que le lâche attend.
Vous m’indignez : je ſens que ma raiſon s’égare.

T U L L I E.

Frappe ; mais, malgré toi, tu me ſuivras, barbare.
Ne crois pas m’effrayer par tes emportements ;
Je ne me connais plus dans ces affreux moments.
Quoi ! C’eſt Catilina qui manque de conſtance !
Malheureux ! Qu’attends-tu, ſans armes, ſans défenſe ?
Le ſénat va bientôt revenir en ces lieux ;
Veux-tu que je te voie égorger à mes yeux ?
Ingrat, ſuis-moi ; du moins, une fois en ta vie,
Reconnais, par pitié, l’empire de Tullie.
Tu n’as que trop bravé ſa tendreſſe et ſes pleurs ;
Prête-moi ce poignard.

C A T I L I N A, ſe perce, et donne le poignard à Tullie.

Prête-moi ce poignard.Le voilà.