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À qui réſervez-vous ce fer impitoyable ?
Que vois-je ?

C A T I L I N A.

Que vois-je ?Un malheureux qui vient d’être vaincu,
Honteux de vivre encore, ou d’avoir tant vécu.
Dieux, qui m’abandonnez à mon ſort déplorable,
Ramenez-moi du moins l’ennemi qui m’accable.
En vain, pour le chercher, j’échappe à mille bras,
Le lâche à ma fureur ne s’expoſera pas.
Tandis qu’au déſespoir tout mon cœur eſt en proie,
Mes cruels ennemis ſe livrent à la joie.
Ce fer, que je gardois pour leur percer le flanc,
Ne ſera plus ſouillé que de mon propre ſang.

TULLIE à part.

Fatale vérité, que j’ai trop combattue,
De quel affreux éclat viens-tu frapper ma vue !
à Catilina.
Écoutez-moi, Seigneur, et reprenez vos ſens.
Qui peut vous arracher ces terribles accents ?
Si vous êtes vaincu, mon père eſt donc ſans vie ?

C A T I L I N A.

Eh ! Sait-il ſeulement qu’on meurt pour la patrie ?
Ce n’eſt pas vous, c’eſt lui que je cherche en ces lieux ;
Fuyez, éloignez-vous d’un amant furieux.
Dieux ! Après tant d’exploits dignes de mon courage,
Il ne me reſtera qu’une inutile rage !