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Le perfide courait nous vendre à Cicéron ;
Mais d’un deſſein ſi lâche informé par Céſon,
Un inſtant m’a ſuffi pour prévenir le crime :
Ma main fumait encor du ſang de la victime
Quand tu m’as vu paraître au milieu du ſénat,
Qui pourra, s’il apprend ce nouvel attentat,
Croire qu’en ſa faveur je l’ai commis peut-être,
Et que pour le gagner je l’ai défait d’un traître.
Au reſte ne crains rien des frivoles récits
Dont je viens d’effrayer de timides eſprits
Qu’il fallait exciter par de feintes alarmes,
Si je veux les forcer de recourir aux armes,
Ne pouvant ſans nous perdre armer un ſeul guerrier
Si le ſénat tremblant n’eût armé le premier.
Quel triomphe pour moi, dans ce péril extrême,
De le voir pour ma gloire armé contre lui-même !
Des poſtes différents fauſſement indiqués,
Qui, ſelon mon rapport, pourraient être attaqués,
Aucun ne me convient ; mais il faut par la ruſe
Diſperser les ſoldats d’un ſénat qu’elle abuſe.
Prends garde cependant qu’à des ſignes certains
On puiſſe diſtinguer nos ſoldats des romains.
Le palais de Sylla, notre plus fort aſile,
Pourra ſeul plus d’un jour tenir contre la ville.
Céſon, de Manlius devenu ſuccesseur,
Avec ſa légion doit ſervir ma fureur.