Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/241

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Ah, Madame ! Ceſſez de vouloir m’abuſer.
J’aimerais mieux vous voir, conſtante à m’accuſer,
Armer contre ma vie un ſénat qui m’abhorre.
Quoi ! C’eſt moi qu’on veut perdre, et c’eſt moi qu’on implore !
Que dis-je ? C’eſt à moi que Tullie a recours
Pour ſauver les cruels qui pourſuivent mes jours !
C’eſt pour eux, non pour moi, qu’elle verſe des larmes !
Et, loin de m’arracher à leurs perfides armes,
Je la vois avec eux conſpirer à l’envi !
Rendez-moi donc l’honneur que vous m’avez ravi,
Si vous ne voulez pas que j’aille le défendre.
Mais en vain par vos pleurs on cherche à me ſurprendre.
Eh ! Sur quoi votre amour prétend-il m’émouvoir ?
A-t-il dans votre cœur triomphé du devoir ?
Quoi ! Sur le ſeul rapport d’un témoin mépriſable ;
Sans rien examiner, vous me croyez coupable !
Et ſans en exiger d’autre éclairciſſement
Votre auſtère vertu ſacrifie un amant !
Cet exemple eſt ſi grand qu’il faut que je l’imite.
Plus vous m’attendriſſez, plus mon honneur m’invite
À m’immoler moi-même à ce que je me dois.

T U L L I E.

Hé bien ! Cruel ! Adieu, pour la dernière fois.