Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/380

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donne la partie, vous laissant débrouiller ce nœud avec Épistémon.

Eudoxe. Cette fois je m’en charge avec plaisir, mais à cette condition que vous serez juge de notre différent ; car je n’ose pas espérer qu’Épistémon se rende à mes raisons. Celui qui, comme lui, est plein d’opinions toutes faites et prévenu de cent préjugés, peut difficilement se livrer à la seule lumière de la nature ; il s’est depuis longtemps accoutumé à céder à l’autorité plutôt qu’à prêter l’oreille à la voix de sa propre raison. Il aime mieux interroger les autres, peser ce qu’ont écrit les anciens, que de se consulter lui-même sur le jugement qu’il doit porter ; et comme dès son enfance il a pris pour la raison ce qui n’étoit appuyé que sur l’autorité des préceptes, maintenant il donne son autorité pour une raison, et il veut se faire payer par les autres le tribut qu’autrefois il a payé aux autres. Mais j’aurai lieu d’être content, et je croirai avoir suffisamment répondu aux objections que vous a proposées Épistémon, si vous donnez votre assentiment à ce que je dirai, et si votre raison vous en convainc.

Épistémon. Je ne suis pas si rebelle ni si difficile à persuader, et l’on n’a pas tant de peine à me satisfaire que vous le pensez. Bien plus, quoique j’aie des raisons pour me défier de Polyandre, je désire volontiers remettre notre procès à son arbi-