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c’est-à-dire parce que je pense. Il y a mieux, il se pourrait faire que si je cessois un instant de penser, je cessasse en même temps d’être. Aussi la seule chose que je ne puis séparer de moi, que je sais certainement être moi, et que je puis maintenant affirmer sans crainte de me tromper, cette seule chose, dis-je, c’est que je suis quelque chose de pensant.

Eudoxe. Que vous semble, Épistémon, de ce que vient de dire Polyandre ? Trouvez-vous dans son raisonnement quelque chose qui cloche, ou qui ne soit pas conséquent ? Auriez-vous cru qu’un homme illettré et qui n’avoit jamais étudié dût raisonner si bien, et suivre ses idées avec tant de rigueur ? Ici, si je ne me trompe, il faut que vous commenciez à voir que celui qui saura se servir convenablement du doute, pourra en déduire des connoissances très certaines, il y a mieux, plus certaines et plus utiles que celles qu’on dérive de ce grand principe que nous établissons ordinairement comme la base ou le centre auquel tous les autres principes se ramènent et aboutissent, il est impossible qu’une seule et même chose soit et ne soit pas. J’aurai peut-être occasion de vous en démontrer l’utilité. Mais n’interrompons pas le discours de Polyandre, et ne nous écartons pas de notre sujet ; et vous, voyez si vous n’avez pas quelque chose à dire ou quelque objection à faire.