Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/372

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convaincu, que je n’en puis nullement douter.

Eudoxe. Voilà qui est parfaitement exposé, et vous vous en tirez si bien, que je ne dirois pas mieux moi-même. Je vois bien qu’il n’est plus besoin que de vous abandonner entièrement à vous-même, en ayant toutefois le soin de vous conduire dans la route. Il y a mieux ; je pense que, pour trouver les vérités les plus difficiles, il n’est besoin, pourvu que nous soyons bien conduits, que du sens commun, comme on dit vulgairement, et comme je vous en trouve très bien pourvu, comme je l’espérois, je n’ai plus qu’à vous montrer la route que vous devez suivre désormais. Continuez donc à déduire de vous-même les conséquences qui sortent de ce premier principe.

Polyandre. Ce principe me paroît si fécond, et il s’offre à moi tant de choses à la fois, qu’il me faudroit, je crois, beaucoup de travail pour les mettre en ordre. Ce seul avertissement que vous m’avez donné d’examiner qui je suis, moi qui doute, et de ne pas me confondre avec ce qu’autrefois je croyois être moi, a tellement jeté de lumière en mon esprit, et dès l’abord tellement dissipé les ténèbres, qu’à la lueur de ce flambeau je vois plus exactement en moi ce qu’on n’y peut voir des yeux, et que je suis plus persuadé que je possède ce qui ne se touche pas, que je ne l’ai jamais été de posséder un corps.