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Dites-moi donc ce que vous êtes proprement en tant que vous doutez. C’est sur ce seul point, le seul que vous puissiez connoître avec certitude, que je voulois vous questionner.

Polyandre. Je vois maintenant que je me suis trompé dans ma réponse, et que je suis allé plus loin qu’il ne fallait, parce que je n’avois pas bien compris votre pensée. Cela me rendra plus circonspect à l’avenir, et me fait en même temps admirer l’exactitude de votre méthode, par laquelle vous nous conduisez peu à peu par des voies simples et faciles a la connoissance des choses que vous voulez nous apprendre. J’ai lieu cependant d’appeler heureuse l’erreur que j’ai commise, puisque, grâce à elle, je connois très bien que ce que je suis en tant que doutant n’est nullement ce que j’appelle mon corps. Bien plus, je ne sais pas même que j’ai un corps, car vous m’avez montré que je pouvois en douter. J’ajoute à cela que je ne puis pas même nier absolument que j’aie un corps. Cependant, tout en laissant entières toutes ces suppositions, cela n’empêchera pas que je ne sois certain que j’existe. Au contraire, elles me confirment davantage dans cette certitude, que j’existe, et que je ne suis pas un corps ; autrement, doutant de mon corps, je douterois en même temps de moi-même, ce que je ne puis ; car je suis entièrement convaincu que j’existe, et j’en suis tellement