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m’eût rendu moins actif à la recherche de la vérité. L’avertissement que j’ai donné à Polyandre sert moins à dissiper l’obscurité dans laquelle vous jette sa réponse, qu’à le rendre plus attentif à mes questions. Je reviens donc à mon sujet, et pour ne pas nous en écarter plus longtemps, je lui demande une seconde fois ce qu’il est, lui, qui peut douter de toutes choses, et ne peut pas douter de lui-même.

Polyandre. Je croyois vous avoir satisfait en vous disant que j’étois un homme, mais je vois maintenant que je n’ai pas bien fait mon calcul. Je vois très bien que cette réponse ne vous satisfait pas, et, à vrai dire, j’avoue qu’elle ne me contente pas maintenant moi-même, surtout depuis que vous m’avez montré l’embarras et l’incertitude dans laquelle elle pourroit nous jeter, si nous voulions l’éclaircir et la comprendre. En effet, quoi qu’en dise Épistémon, je vois beaucoup d’obscurité dans tous ces degrés métaphysiques. Si l’on dit, par exemple, qu’un corps est une substance corporelle, sans dire ce que c’est qu’une substance corporelle, ces deux mots ne nous apprendront rien de plus que le mot corps. De même si on dit que ce qui vit est un corps animé, sans avoir expliqué auparavant ce que c’est que corps, et ce que c’est qu’animé, et si l’on en agit ainsi pour tous les autres degrés métaphysiques, c’est là