Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisfaire, elle ne peut être que mauvaise, et je la compare à un édifice mal construit, dont les fondements ne sont pas assez solides. Je ne sais pas de meilleur remède que de le démolir et de le renverser de fond en comble, pour en élever un nouveau. Car, je ne veux pas être mis au nombre de ces artisans sans talents, qui ne s’appliquent qu’à restaurer de vieux ouvrages, parce qu’au fond ils sont incapables d’en achever de neufs. Mais, Polyandre, pendant que nous sommes occupés à détruire cet édifice, nous pouvons en même temps jeter les fondements qui peuvent servir à notre dessein, et préparer la matière la plus solide pour y réussir ; pour peu que vous vouliez examiner avec moi quelles sont, de toutes les vérités que les hommes peuvent savoir, les plus certaines et les plus faciles à connoître.

Polyandre. Y a-t-il quelqu’un qui doute que les choses sensibles (j’entends par là celles qui se voient et se touchent) ne soient de beaucoup plus certaines que les autres ? Pour moi je m’étonnerois fort si vous me montriez aussi clairement quelques unes des choses qu’on dit de Dieu et de notre âme.

Eudoxe. C’est cependant ce que j’espère faire, et il me paroît surprenant que les hommes soient assez crédules pour baser leur science sur la certitude des sens, quand il n’est personne qui ignore qu’ils nous trompent quelquefois, et que nous avons de