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ter. Or, selon moi, le voici : tout de même que votre peintre eût mieux fait, après avoir effacé tous les traits du tableau, de le recommencer en entier, que de perdre son temps à le corriger ; de même tous les hommes arrivés à l’âge où l’intelligence commence à être dans sa force, devraient former le dessein d’effacer de leur imagination toutes les idées inexactes qui sont venues s’y graver jusqu’alors, et appliquer sérieusement toutes les forces de leur intelligence à s’en former de nouvelles. Certes, si ce moyen ne les conduisoit pas à la perfection, au moins n’auroient-ils plus le droit d’en rejeter la faute sur la foiblesse des sens et les erreurs de la nature.

Épistemon. Ce seroit le meilleur moyen si on pouvoit l’employer facilement ; mais vous n’ignorez pas que les premières opinions que notre imagination a reçues y restent si profondément empreintes, que notre volonté seule, si elle n’imploroit le secours de quelques fortes raisons, ne pourrait parvenir à les effacer.

Eudoxe. C’est justement quelques unes de ces raisons que je prétends vous enseigner ; et si vous voulez retirer quelque fruit de cet entretien, il faut que vous me prêtiez toute votre attention, et que vous me laissiez converser avec Polyandre, afin que je puisse en commençant renverser toute sa science acquise. En effet, comme elle ne suffit pas à le