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l’instinct aveugle et de sottes nourrices. Vient enfin le meilleur de tous, l’intelligence ; et cependant est-il encore nécessaire qu’elle fasse un apprentissage de plusieurs années, et suive longtemps l’exemple de ses maîtres, avant d’oser rectifier une seule de leurs erreurs ; c’est là à mon sens une des principales causes de la difficulté que nous avons à parvenir à la science. Nos sens en effet ne perçoivent que ce qu’il y a de plus grossier et de plus commun ; notre instinct est entièrement corrompu ; et quant aux maîtres, encore qu’on en puisse certainement trouver de bons, ils ne peuvent cependant nous forcer d’avoir foi en leurs raisonnements, et de les avouer avant de les avoir examinés avec notre intelligence, qui seule a le pouvoir de le faire. Mais elle est comme un peintre habile, qui, appelé pour mettre la dernière main à un tableau ébauché par des apprentis, auroit beau employer toutes les règles de l’art, corriger peu à peu, tantôt un trait, tantôt un autre, ajouter enfin tout ce qui y manque, ne pourrait cependant empêcher qu’il n’y restât encore de grands défauts, parce que dans le principe le tableau auroit été mal esquissé, les personnages mal placés, et les proportions observées peu rigoureusement.

Eudoxe. Votre comparaison nous met parfaitement sous les yeux le premier obstacle qui nous arrête ; mais vous ne montrez pas le moyen de l’évi-