Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/353

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vie d’un homme ne suffirait pas pour acquérir l’expérience de tout ce que renferme le monde ; mais je suis persuadé que ce seroit folie que de le désirer, et qu’il n’est pas plus du devoir d’un honnête homme de savoir le grec ou le latin que le langage suisse ou bas breton, ni l’histoire de l’empire romano-germanique, que celle du plus petit état qui se trouve en Europe ; et je pense qu’il doit seulement consacrer ses loisirs aux choses bonnes et utiles, et n’emplir sa mémoire que des plus nécessaires. Quant aux sciences qui ne sont autres que des jugements que nous basons sur quelque connoissance précédemment acquise, les unes se déduisent d’objets vulgaires et connus de tous, les autres d’expériences plus rares et faites exprès. J’avoue qu’il est impossible que nous traitions en particulier de chacune de ces dernières ; car il nous faudroit d’abord examiner toutes les herbes et toutes les pierres que l’on apporte ici des Indes ; il nous faudroit avoir vu le phénix, en un mot n’ignorer aucun des plus merveilleux secrets de la nature. Mais je croirai avoir suffisamment rempli ma promesse, si, en vous expliquant les vérités qui peuvent se déduire des choses vulgaires et connues de tous, je vous apprends à trouver après cela toutes les autres de vous-mêmes, si vous croyez bon de les chercher.