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tire de lui-même, savoir, que la couleur jaune vient non d’un défaut de son œil, mais de ce que les choses qu’il voit sont réellement jaunes. Il suit de tout ceci que nous ne pouvons nous tromper que quand nous composons nous-mêmes les no­tions que nous admettons.

Nous disons, en septième lieu, que cette compo­sition peut se faire de trois manières, par impul­sion, par conjecture, ou par déduction. Ceux-là composent leurs jugements sur les choses par im­pulsion qui se portent d’eux-mêmes à croire quel­que chose sans être persuadés par aucune raison, mais seulement déterminés, ou par une puissance supérieure, ou par leur propre liberté, ou par une disposition de leur imagination. La première ne trompe jamais ; la seconde, rarement ; la troi­sième, presque toujours : mais la première n’appar­tient pas à ce traité, parcequ’elle ne tombe pas sous les règles de l’art. La composition se fait par conjecture quand, par exemple, de ce que l’eau, plus éloignée du centre de la terre, est aussi d’une substance plus ténue ; de ce que l’air, placé au-dessus de la terre, est aussi plus léger qu’elle, nous concluons qu’au-delà de l’air il n’y a rien qu’une substance éthérée, très pure, et beaucoup plus ténue que l’air lui-même. Les notions que nous composons de cette manière ne nous trompent pas, pourvu que nous ne les prenions que pour