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la figure qu’il reçoit est portée à une autre partie du corps qui se nomme le sens commun ; et cela instantanément, et sans qu’il existe un passage réel d’aucun être d’un point à un autre ; tout de même que quand j’écris, je sais qu’à l’instant où chaque caractère est tracé sur le papier, non seulement la partie inférieure de ma plume est en mouve­ment, mais encore qu’elle ne peut recevoir le moin­dre mouvement qui ne se communique simulta­nément à la plume tout entière, dont la partie su­périeure décrit en l’air les mêmes figures, encore bien que rien de réel ne passe d’une extrémité à l’autre. Or, qui pourroit croire la connexion des parties du corps humain moins entière que celle de la plume, et où trouver une image plus simple pour la représenter ?

Il faut, en troisième lieu, concevoir que le sens commun joue le rôle du cachet, qui imprime dans l’imagination, comme dans de la cire, ces figures ou idées que les sens externes envoient pures et incorporelles ; que cette imagination est une véri­table partie du corps, et d’une grandeur telle que ses diverses parties peuvent revêtir plusieurs figu­res distinctes l’une de l’autre, et même en garder longtemps l’empreinte : dans ce cas, on l’appelle mémoire.

En quatrième lieu, il faut concevoir que la force motrice ou les nerfs eux-mêmes prennent naissance